Cette année, la biennale transforme la notion de “ressource” en une matière à penser et invite l’utopie dans notre réel. Chacune des œuvres exposées instaure un lien intime et puissant avec son spectateur, en résonance directe avec les textures et les rythmes de notre quotidien. Par leur essence même, elles nous tendent un miroir délicat, révélant nos gestes les plus banals, nos objets les plus familiers.

Thèmes : « Ressource(s), présager demain » / « Le droit de rêver » / l’Arménie

Les oeuvres exposées amènent à réfléchir à de nouvelles façons de créer aujourd’hui et pour demain. Elles explorent de nouvelles ressourcent, de nouvelles façon de concevoir : plus économique, plus inclusif, plus fonctionnel, plus innovant…Elles permettent de prévisualiser le quotidien d’un monde imminent et d’en présager ses besoins, nos besoins qui en découleront. Comme un saut dans le futur, une exposition de gadget qui attirent une telle curiosité et une animosité face à leurs potentiels qu’on se croirait dans une Villa Arpel. Dans le domaine du design d’intérieur cela ne peut qu’inspirer à créer et démocratiser de nouvelles manières de concevoir les espaces, les aménager, les apprivoiser. 

5 RESONANCES DU DESIGN CONTEMPORAIN VUES A LA BIENNALE …

L’importance de la transmission de savoirs-faire ancestraux ou simplement par pur plaisir de créer des pièces uniques à la main, le geste redevient manifeste. Il se réinvente en utilisant de nouveaux matériaux issus de recyclage ou encore en associant plusieurs cultures comme la marque MII (Made In India) fondée par Lucie Bourreau et Bapan Dutta. Les objets exposés n’ont plus peur de montrer la trace de la main, l’imperfection du fil, la fragilité assumée du matériau. Le design se défait ici du culte du fini pour s’ancrer dans la poésie du faire. C’est le geste — souvent invisible dans les objets industrialisés — qui revient au centre du propos : un geste humain, sensible, irrégulier, chargé d’histoire. Cette résurgence de l’artisanat n’est pas une nostalgie, mais une forme de résistance : elle réintroduit du soin, de l’écoute, de la lenteur dans un monde où la rapidité est souvent confondue avec la pertinence.

RETOUR A L’ARTISANAT

“On veut défendre et promouvoir ces savoir-faire uniques, ancestraux et en danger d’extinction.” - MII

Le vivant devient plus qu’une source d’inspiration, il devient matière. Certaines œuvres semblent presque respirer. Le design devient un écosystème, à la lisière de la sculpture et de la croissance naturelle. Ce biomorphisme réintroduit du mystère dans l’objet, il évoque la nature non pas comme décor, mais comme fondement et rappellent que la beauté n’est pas toujours prévisible. En tant que designer d’intérieurs j’ai tout de suite été interpellée par les panneaux acoustiques de la marque Mogu qui utilise la technologie du mycélium. Les panneaux se déclinent en sept textures différentes, toute inspirées des formes et motifs de la nature. Par sa démarche, la marque utilise l'intelligence de la nature pour concevoir des produits du quotidien, en réduisant les frontières entre l'homme et les rythmes de l'écosystème naturel.

BIOMORPHISME

“La nature est notre meilleur architecte.” - MOGU

Les objets se déshabillent et exhibent leur mécanisme pour attendre leur apogée fonctionnelle. Ils illustrent une vision renouvelée de la fonctionnalité, non plus comme simple confort ou performance, mais comme stratégie de sobriété. L’objet devient un système intelligent, pensé pour durer, pour être réparé, démonté, ajusté, partagé et aussi personnalisé. C’est le cas, par exemple, des baskets Roku de la marque Camper, conçues pour être achetées en pièces détachées, assemblées selon les besoins et goûts, et prolonger leur cycle de vie sans jamais sombrer dans l’obsolescence. Ce nouveau fonctionnalisme n’a rien de froid ni de dogmatique : il est profondément ancré dans une conscience du réel. Il s’inscrit dans une logique d’économie circulaire, d’autonomie, et d’ingéniosité responsable. Il invite à repenser l’usage comme une forme d’élégance discrète mais puissante, celle de l’intelligence écologique.

PLUS FONCTIONNEL POUR MOINS CONSOMMER

Plusieurs propositions ont témoigné d’une prise de conscience aiguë : le design ne peut plus ignorer le bouleversement climatique. Il s’inscrit ici dans une posture d’écoute, de pragmatisme, de transformation douce. Le climat n’est plus une abstraction : il est matière première, une donnée structurelle. On découvre des dispositifs conçus pour repenser le rapport au confort, à la ventilation naturelle, à l’humidité, à l’autonomie énergétique. Des maquettes qui envisagent des écoles sobres en énergie, ou des mobiliers capables de capter l’énergie solaire. Ces projets portent l’élan d’une adaptation attentive et fertile. Un design qui anticipe sans céder à la panique, et qui propose des formes capables de dialoguer avec l’instabilité du monde plutôt que de chercher à la contenir.

CRÉER AVEC LE CLIMAT

Loin du greenwashing et des stratégies marketing creuses, certaines œuvres proposent une lecture sensible du recyclage. Il ne s’agit plus seulement de réutiliser : il s’agit de transcender. Les matières récupérées deviennent les pigments d’un design qui assume sa patine, ses cicatrices, son passé comme ce tabouret crée à partir de chutes de matières non utilisées de l’usine de la marque Ligne Roset. Ce n’est pas tant la question de durabilité ici, mais plutôt la réinterprétation de l’existant. Ces objets recyclés racontent les ressources comme des mémoires. Ils nous rappellent que créer, c’est aussi écouter ce qui a déjà été. Le futur du design se conjugue ici au passé composé.

MATIERES RECYCLEES

" Bien plus qu'une stratégie, nous privilégions une philosophie empreinte de respect pour les êtres humains et leur environnement, que ce soit dans la formation de nos personnels, le choix de nos fournisseurs ou la gestion de nos déchets." - Pierre Roset

Les oeuvres exposées amènent à réfléchir à de nouvelles façons de créer aujourd’hui et pour demain. Elles explorent de nouvelles ressourcent, de nouvelles façon de concevoir : plus économique, plus inclusif, plus fonctionnel, plus innovant…Elles permettent de prévisualiser le quotidien d’un monde imminent et d’en présager nos besoins qui en découleront. Comme en plein voyage dans le futur, il est difficile de ne pas penser à la fameuse Villa Arpel de Mon Oncle, cette maison trop parfaite, trop pensée, trop fonctionnelle pour qu’on y vive vraiment. Tati, avec sa délicatesse mordante, y mettait en scène un monde où le progrès finit par étouffer le lien, où chaque objet devient une performance et chaque geste, une démonstration.

Or, ce que révèle cette édition de la Biennale, c’est justement l’envie de sortir de cette caricature. Le design ici n’est plus seulement une affaire d’esthétique ou d’ingéniosité froide. Il cherche à renouer avec le geste humain, la réparation, la lenteur, le climat, l’émotion. Ce sont des objets pensés pour le monde tel qu’il est, fragile, mouvant, épuisé, et non pour un idéal publicitaire figé dans le plastique chromé. Les créateurs présentés ici semblent murmurer à Tati : « nous vous avons compris »…. l’auraient-ils vraiment ?

“Je ne fais pas de la critique, je montre ce que je vois” - Jacques Tati

En tout cas cela inspire.

Dans le domaine du design d’intérieur cela inspire à créer et démocratiser de nouvelles manières de concevoir les espaces, les aménager, les apprivoiser. Cette biennale incarne, face au monde actuel, un espoir réconfortant d’une évolution pérenne de l’humanité. Elle inspire à chacun un souffle de confiance et un élan certain vers le monde de demain. Son message est clair, le monde évolue mais l’humanité s’adapte toujours car notre force est à l’intérieur de nous. La Terre se vide de ses ressources mais l’humanité ne perdra jamais la sienne, le design nous fera toujours évoluer. 

Commissaires : Laurence Salmon / Eric Jourdan / Nairi Khatchadourian / Jean-François Dingjian / Eloi Chafaï

Co-commissaires : Frédéric Beuvry / Isabelle Daëron / Sylvia Fredriksson / Marlène Huissoud / Anna Saint-Pierre / Laurent Massaloux / Etienne Mineur / Philippe Rahm / Natacha.Sacha

Scénographes : Joachim Jirou-Najou / Normal Studio

LOCALISATIONS

Halles Barrouin - 3 rue Barrouin, 42000 Saint-Etienne

 

La Platine, Cité du Design - 1 au 3 rue Javelin-Pagnon, 42000 Saint-Etienne